(Suite de la newsletter d'Avril 2021...
Pour lire le début de l'histoire : envoyer un mail à : m2main@orange.fr)
Cette dernière sourit
et reprit la conversation :
- « Cela fait longtemps que j’attends ta visite et je suis bien heureuse
que tu sois là aujourd’hui. Je peux enfin t’offrir ce que je t’ai préparé pour
que ton cœur se réjouisse que tu sois qui tu es. »
La souris des ténèbres déposa devant la rêveuse un joli paquet cadeau.
- « Tiens, emporte-le et utilise-le à bon escient ! »
La souris des ténèbres disparut aussi vite qu’elle était apparue, dans un
éclair de lumière.
Notre amie qui ne savait plus bien qui elle était ni où elle en était se frotta
les yeux se demandant si elle rêvait encore puisque devant elle se trouvait… un
paquet cadeau…
Méfiante
et prudente comme à son habitude, elle commença à en grignoter méthodiquement
le papier. Un coin par-ci, un coin par-là. Cette tâche l’occupa plusieurs jours
et plusieurs nuits, plusieurs nuits et plusieurs jours. Elle dut faire des
pauses, et réajuster sa stratégie en maintes occasions. Elle se rendit compte
en effet que, découpant le papier avec une obstination acharnée, elle créait en
fait des confettis, qui s’entassaient, s’entassaient, s’entassaient au point de
bientôt ne plus la laisser bouger ni respirer dans son modeste logis.
Entrevoyant
le danger de l’asphyxie, elle comprit qu’elle devait agir et faire autrement
pour pouvoir mener à bien son entreprise. Elle resta un long moment assise, à contempler
le gros tas de confettis qui était en passe de se transformer en une pyramide
imposante et menaçante. Elle y discerna les différentes couleurs du papier et
se résolut à faire du tri. Il y aurait désormais une petite pyramide pour
chaque couleur et aussi une pyramide multicolore.
Plusieurs petites pyramides, cela lui semblait plus facile à organiser et à
déplacer. En revanche, cela continuait à occuper autant de volume et d’espace
dans son chez elle. Il devenait donc urgent qu’elle trouve une solution pour se
départir de tout ce papier amassé, de sorte qu’il puisse servir à quelque chose
ou à quelqu’un.
Déjà elle était obligée de s’aventurer à l’extérieur pour trouver de quoi le
transporter : un morceau de tissus un peu grand, mais pas trop ; une
feuille de plante résistante et souple à la fois ; une écorce en creux et
plutôt légère. Elle soupirait d’inquiétude face aux dangers qu’elle allait
devoir affronter pour mener à bien son idée. Cependant, sa résolution restait
intacte.
Quelques
jours plus tard, elle se sentait fière de ce qu’elle avait accompli : elle
avait échappé aux embûches qui finalement étaient bien trop visibles pour
qu’elle tombe dedans ; de plus, elle avait permis des petites joies dans
la maisonnée.
Elle avait déposé le tas multicolore dans la chambre des enfants qui, en le
découvrant, avaient passé un grand moment à danser, jouer et rire comme pour un
jour de carnaval.
Elle avait laissé l’ocre, le gris, le marron dans l’atelier, près du matériel à
bois. Le chef des deux-jambes s’en étonna et, prenant de la colle, transforma
les confettis en pâte-à-bois pour son bricolage.
Quant aux tas vert, bleu et rose, certains étaient restés près des plantes dans
le salon et d’autres près du bureau. L’épouse du chef s’était émerveillée de ce
cadeau tombé du Ciel : elle allait pouvoir pailler les pieds de ses fleurs
de sorte à ce qu’elles supportent mieux la chaleur de l’été et fabriquer de
magnifiques cartes postales pour témoigner de son affection à ses amis.
La
petite souris était donc ravie d’avoir pu être à l’origine de ces petites
joies. Enfin… ce n’était pas totalement elle… c’était surtout son autre elle…
celle qui lui avait fait comprendre que peut-être être elle, c’était autre
chose que ce qu’elle croyait.
Et puis, elle devait se rendre à l’évidence : ce qui lui avait permis
cette découverte, c’était surtout un de ses « attributs » auquel elle
n’avait jamais vraiment prêté attention. Si elle avait pu tailler autant de
confettis, c’était surtout grâce à ses petites dents, fines, aigües et extrêmement
solides. Elle se rendit alors compte que jusqu’à ce jour-là, elle n’avait
jamais vraiment pris conscience de cet atout qui lui paraissait tellement
évident qu’il en était inaperçu pour elle.
Elle remercia silencieusement son autre elle, celle des ténèbres, et sortit de
sa rêverie. Bon, ce n’était pas le tout. Le papier était une histoire ancienne
maintenant ; il fallait peut-être s’intéresser désormais à ce qu’il
enveloppait. La petite souris n’y avait pas prêté attention, occupée qu’elle
était à son rangement méthodique et voilà que maintenant, ô surprise !,
elle le voyait…. Et aussitôt… elle se mit à trembler de terreur …
Ce
que le papier avait caché à sa vue n’était autre que son pire ennemi ! Il
était là depuis plusieurs semaines dans son nid, et elle n’y avait vu que du
feu. Comment avait-elle fait pour ne pas voir l’évidence, encore une fois. Il
était là, devant elle, énorme, froid, entortillé. Elle ne connaissait que trop
bien son efficacité mortelle pour avoir vu mourir tant des siens entre ses
spires. Comment avait-elle fait ? Glacée d’effroi, elle se remit à tourner
sur elle-même et à se mordiller frénétiquement le bout de la queue.
Elle tentait tant bien que mal de se concentrer et de réfléchir. De garder la
tête froide. Voyons, voyons…. La souris des ténèbres ne pouvait être cruelle au
point de lui souhaiter la mort. C’était impossible. Il devait bien y avoir
quelque chose à découvrir, à regarder autrement, à illuminer d’un autre
jour !
Pour l’instant, ce qui était rassurant, c’est qu’il ne bougeait pas. Donc petit à petit, la souris retrouva
un peu de calme ; elle put se tenir tranquille dans un coin de son trou et
le regarder, l’observer, le détailler, le scruter, sous tous les angles qui lui
étaient possibles. Elle put même s’en approcher et le toucher du bout de
l’ongle de l’une de ses menues petites pattes.
En fait, elle l’avait toujours vu couché. Couche sur cette maudite planche de
bois, avec un clou caché sous du fromage à l’autre bout… pour la tentation…
l’irrésistible, irrépressible tentation… Elle savait que sa détente était
bruyante et broyante, redoutable et fracassante.
Mais
là, il était couché devant elle, à même le sol, et il semblait bien inoffensif.
De sa petite patte, elle le poussa d’abord timidement et puis un peu plus fort.
Le ressort – car c’était bien un ressort- se mit à rouler lourdement sur son
flanc.
La petite souris se demanda d’où venait l’efficacité inéluctable de son
fonctionnement. Alors, prudemment, à petites avancées et grands bons en
arrière, elle commença à tester, à expérimenter. Elle se rendit compte que si
elle se plaçait à une extrémité en faisant un peu de compression, le ressort la
renvoyait automatiquement un peu plus loin que sa ligne de départ. Elle
commença à y trouver plaisir et se prit au jeu, jusqu’au moment où, ayant
appuyé peut être un peu trop fort, le ressort la projeta contre le mur de sa
cachette.
« Wow ! » se dit la petite souris un peu étourdie.
« Heureusement que le mur m’a arrêtée ! »
Elle resta là, un instant, à reprendre ses esprits, ou à les chercher… elle ne
savait plus très bien…
Toujours est-il que dans cet entre-deux où elle était allongée, elle revit
l’image de la femme-papillon, légère et libre de ses mouvements.
Quand elle rouvrir les yeux, elle se trouvait là, par terre, comme le ressort,
un peu dans son prolongement d’ailleurs, comme si ses petites pattes arrière
étaient prêtes à s’appuyer sur l’extrémité de la spirale.
Elle se leva d’un bond d’un seul. « J’ai trouvé ! »
s’écria-t-elle, se frottant les petites pattes et pour une fois, caressant les
écailles de sa queue.
Elle devait planifier, organiser son plan d’attaque. D’abord trouver un support
et le disposer là, au coin de la maison, à l’angle du jardin. Ce fut le
programme des journées suivantes : trouver ce plan incliné qu’elle
placerait contre le mur.
Une fois la cale en place, elle choisit de reprendre son souffle le temps
nécessaire. Elle devait se sentir forte et en forme pour la prochaine étape. Au
bout de quelques bons repas, bons sommeils et bons exercices, elle se décida.
Munie de casquette, gants, petit sac-à-dos et lunettes d’aviateur, elle réussit
à faire rouler le ressort en toute discrétion hors de la maison, à le faire
basculer depuis le support et à le mettre en position verticale. Avec du jonc
tressé à la manière de sangles, elle comprima les spires de chaque côté du
ressort. Elle sortit de son sac à dos deux couteaux bien affûtés et les
chaussures à lanières qu’elle avait pris soin de préparer. Elle les enfila,
grimpa au sommet du ressort, y fixa les lanières.
Le grand moment était arrivé. C’était quitte ou double !
Elle prit une grande
inspiration ; se saisit d’un couteau dans chaque main ; leva les bras
et…
« CRAAAC » les sangles lâchèrent.
Un grand « YOUHOUUUU ! » retentit dans la campagne.
Le chef des
deux-jambes, son épouse et les enfants se précipitèrent stupéfaits à la
fenêtre.
Jumping-Mouse, libre et légère comme la femme-papillon, découvrait le monde
depuis la vision d’en-haut. Sa vie en serait sûrement bouleversée…. à vous de l’imaginer…
Et Youpala en bas,
Et Youpibo en haut,
La souris résolue s’en va
Voguer par monts et par vaux.
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